Lundi 20 mai 2019 à l’Hôtel de l’Industrie
Jean d’Amécourt, président du Forum du Futur, accueil l’ambassadeur Bajolet, dont il évoque, très brièvement, la carrière de diplomate arabophone, fin connaisseur du monde musulman, et de responsable du renseignement français, directeur de la DGSE de 2013 à 2017.
Bernard Bajoletintroduit son intervention par un rappel au « Livre blanc sur la défense et le sécurité nationale » de 2008. Alors que la menace terroriste est déjà perceptible, ce livre blanc, qui fixe les orientations de la politique extérieure de la France, introduit 3 novations :
- une approche globale de la défense et de la sécurité nationale ;
Cette dynamique est celle du Conseil National de sécurité nationale, installée en 2015, et réunit hebdomadairement par le Président de la République.
- la prise en compte d’un « Arc de crise », s’étendant du Maroc à l’Afghanistan ;
Cet axe, étendu à la Corée du Nord, demeure pertinent.
- une stratégie fondée sur la connaissance et l’anticipation, dont les outils sont le renseignement et la diplomatie.
Si l’effort sur le renseignement est constant depuis 2008, la pression de l’immédiateté n’a pas permis d’installer durablement l’approche prospective. Le MAE excelle dans la gestion de crises, mais ne dispose pas de moyens suffisants pour mener une analyse prospective de fond, aussi les travaux de la vingtaine de centres de recherches MAE/CNRS ne sont-ils pas, toujours, bien orientés.
Bernard Bajolet, revenant sur les conflits en cours où potentiels dans cet « Arc de crise » (Israël / Palestine ; Lybie ; Syrie ; Algérie…), souligne les menaces induites par plusieurs éléments nouveaux, pris en compte par le renseignement. Il en est ainsi des changements climatiques et de la démographie, qui influent sur les mouvements migratoires, encore très mal maitrisés par l’Europe. En outre, l’affaiblissement de la régulation multilatérale (ONU …), de pair avec le retour de politiques de puissance (Amérique de Trump, Russie de Poutine, La Route de la Soie chinoise ...) contribuent à installer l’insécurité.
Poursuivant son exposé, l’orateur aborde les moyens de la politique de défense et de sécurité nationale de la France. L’efficacité de ses services de renseignement est reconnue, même s’il demeure des marges d’améliorations. Il en va de même de son armée, seule armée européenne en capacité d’intervenir sur des terrains d’opérations extérieures. Au Sahel elle joue un rôle essentiel. Mais sa diplomatie, qui voit ses moyens rabotés depuis plusieurs années, en raison d’impératifs budgétaires, n’est plus au niveau. Or, il n’y a pas de bonne défense sans un outil diplomatique fort.
En conclusion de sa présentation, Bernard Bajolet, met en exergue l’importance du levier européen dans le positionnement international de la France. Aussi, déplore-t-il une procédure électorale ne permettant pas aux élus français au parlement européen d’être perçu par les électeurs comme leurs représentant au sein des instances européennes.
Jean d’Amécourtremercie Bernard Bajolet et ouvre le débat.
Question/ L’islamisme constitue-t-il un nouveau risque, après ceux installés par d’autres totalitarismes ?
Réponse/ L’islamisme n’est pas homogène et il n’y a pas d’incompatibilité entre Islam et démocratie. Nous devons nous garder de toute approche radicale et nous attacher à limiter le terrorisme et s’attaquant aux causes qui facilitent la radicalisation de populations délaissées.
Q/ Quel est l’effectif de la force diplomatique française ?
R / Le chiffre publié de 13.500 inclus les recrutés locaux.
Jean d’Amécourt s’inquiète d’autant plus de cette pénurie d’agent, que celle-ci s’installe dans l’indifférence générale des politiques et de l’opinion.
Q/ Quelle est la position de la France dans le futur schéma des élections présidentielles en Afghanistan ?
R/ La non intervention
Q/ Que peut -il se passer en Syrie ?
R / Le pays est détruit : 400/500.000 morts ; 1/3 de la population a émigré ; I/3 de la population est déplacée… Les alaouites au pouvoir, sont prêt à tout pour y demeurer, sous peine de devoir s’enfuir et se cacher dans leurs montagnes. Leurs alliés Iraniens et Russes, ont des intérêts antinomiques et ne sont pas en capacité de reconstruire la Syrie. L’Europe a clairement affirmé que son aide serait conditionné par le départ de « Bachar »
Q/ Y-a-t-il une menace de la Russie de Poutine, qui multiplie les démonstrations de force militaire et les cyber-attaques ?
R / La Russie a plus de proximité avec l’Europe qu’avec la Chine. Ce pays n’a pas la capacité, sauf à s’épuiser, de soutenir une couteuse compétition. Cela d’autant que l’économie de la Russie, soutenue par le gaz, est peu diversifiée, ce qui limite l’installation d’une classe moyenne, d’autant que le pays connait une crise démographique.
Q/ Quel avenir pour l’opération « Barcane » ?
R / Cette opération militaire, essentielle dans la lutte contre le terrorisme, va devoir s’intégrer dans une approche globale. Sans accompagnement économique il n’y a pas de paix possible au sahel. L’Etat de droit a besoin d’une base économique, or l’aide au développement n’est pas, encore, une priorité pour l’Europe.
Q/ Le renseignement français participe-t-il de l’intelligence économique ?
R/ La loi précise que les services de renseignements ont vocation à défendre et à promouvoir les activités économiques majeurs.
L’heure étant venue, Jean d’Amécourt remercie chaleureusement Bernard Bajolet et les participants.
Comments