Compte rendu du Colloque
mardi 9 avril 2019 / 9h30-12h30
Université Panthéon-Assas Paris II
• Jean de Ponton d’Amécourt, président du Forum du Futur, association dédiée au décryptage des enjeux géopolitiques d’aujourd’hui et de de demain, dans lesquels s’inscrit la thématique de l’Arctique, souhaite la bienvenue aux conférenciers et aux auditeurs présents.
• Keyvan Piram, secrétaire général du Centre Thucydide, se joint à M. d’Amécourt pour saluer intervenants et participants, qu’il remercie.
Le professeur Yves Boyer, directeur scientifique du Forum du Futur, qui préside le colloque, présente les intervenants.
- M. Hervé Baudu, Professeur en Chef de l’Enseignement maritime à l’Ecole Supérieure Maritime, membre de l’Académie de Marine.
- M. Alexandre Sheldon Duplaix, Chercheur au Service historique de la défense (SHD), conférencier à l’École militaire, co-auteur de Flottes de Combat à partir de 2018.
- M. Laurent Mayet, Adjoint de l’ambassadeur chargé des océans, Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ; ancien adjoint de Michel Rocard sur les Pôles.
- M. Rune Jensen, Conseiller principal, Sous-direction du grand nord, des affaires polaires et des ressources, ministère norvégien des Affaires étrangères.
- M. Sergey Babenko,Conseiller à l’ambassade de la Fédération de Russie en France.
Le plan du colloque reflète la composition du panel. Les deux experts en navigation, civile et militaire, et les trois diplomates, français, norvégien et russe, dressent successivement un état des lieux puis abordent les problématiques politiques.
1 / « La navigation dans les glaces : perspectives liées au changement climatique et enjeux maritimes », par M. Hervé Baudu.
L’intervention du professeur Baudu, soutenue par quelques diapositifs (annexe 1), met en exergue, notamment :
- la complexité de la navigation polaire, d’autant que la fonte de la banquise a pour corolaire l’augmentation de la dangereuse dérive des glaces ;
- la dégradation des conditions météo en mer, brouillards fréquents et tempêtes ;
- un trafic maritime, pour l’essentiel, limité aux transports d’hydrocarbures et de gaz. Le gain de temps sur la route du Sud, n’est pas compensé par le coût très élevé de la navigation polaire (navires polaires, escorte d’un brise-glace, pilote…), qui ne se justifie pas par le gain de temps de la route sud, nonobstant le coût du canal de Suez.
- la responsabilité des Etats riverains sur la navigation polaire.
Hors de la route du Nord-Ouest (Canada) et de la route du Nord-Est (Russie) la navigation sur mer ouverte est très délicate.
2 / « L’Arctique et les stratégies navales des puissances », par M. Alexandre Sheldon Duplaix
L’intervenant aborde, successivement, avec le support de diapositifs (annexe 2) :
- la militarisation de l’Arctique au temps de « la Guerre froide » ;
- le contrôle de la route Nord-Est par les Russes ;
- les ambitions chinoises affirmées par « la Route de la Soie Polaire » ;
- la réactivation, depuis 2014, d’implantations militaires russes, un temps abandonné, après la chute de l’URSS. En réponse, les américains et l’OTAN renforcent leurs surveillances de l’Arctique.
En conclusion M. Scheldon Dupleix affirme que l’Arctique est déterminant dans la conception des forces navales de l’Atlantique Nord.
3 / « La France et l’Arctique perspectives géopolitiques, géoéconomiques et environnementales », par M. Laurent Mayet
Le plan de l’exposé du diplomate français, qui a été l’adjoint de Michel Rocard ambassadeur pour les pôles, reprend les lignes directrices de « la feuille de route nationale sur l’Arctique » de juin 2016 (document en accès libre sur le site du MAE) :
- la dimension scientifique. En France plus de 400 enseignants chercheurs travaillent sur l’Arctique, zone d’intérêt mondial.
- la dimension de la sécurité maritime. La France se doit de veiller à la sécurité de ses navires et de ses ressortissants, pécheurs, savants et croisiéristes, dans les eaux de l’Arctique.
- la dimension économique croissante avec l’exploitation de gisement pétroliers et gaziers dans les eaux des pays riverains. Total asure l’exploitation de plusieurs de ces sites.
- la dimension environnementale, à laquelle sont dédiés nombre de travaux de nos travaux scientifiques (le professeur Jen Malaurie a dirigé un très gros travail publié en 3 volume sous le titre ARTICA ? par CNRS éditions).
Le diplomate français a souligné que l’intérêt porté par la France à l’Arctique est partagé par nombre d’autres Etats non riverains, dont l’Allemagne, la Grande Bretagne, les Pays-Bas et la Chine, qui n’ont aucune revendication territoriale mais entendent, dans un souci d’intérêt général, être associer au devenir de cette région septentrionale participant aux équilibres de notre planète.
4 / « La Norvège et l’Arctique : perspectives géopolitiques, géoéconomiques et environnementales», par M. Rune Jensen.
Le diplomate norvégien met en évidence trois axes essentiels de la politique arctique de la Norvège.
- un usage durable des réserves naturelles ;
- l’encadrement de « la ruée vers l’Arctique », induite par la richesse minière et pétrolifère des sous-sols, notamment, sous-marins ;
- la défense d’intérêts communs, pas toujours en adéquation avec les intérêts nationaux des pays riverains.
La priorité accordée par la Norvège à ces trois axes s’impose d’autant que les changements climatiques, outre le recul de la banquise, menacent les échos systèmes et les populations de l’Arctique.
L’économie de la Norvège, dont les produits de la mer assurent près des 2/3 des exportations, repose sur une mer propre.
Pour satisfaire à ces priorités la Norvège privilégie la négociation, sans pour autant baisser la garde dès lors qu’une initiative vient menacer les équilibres de la région.
5 / « La Fédération de Russie et l’Arctique : perspectives géopolitiques, géoéconomiques et environnementales», par M. Sergey Babenko
Non sans souligner l’ancienneté de l’exploration de l’Arctique par les russes, M. Babenko, rappelle qu’avec les autres Etas riverains de l’Arctique, la Russie a fait valoir ses droits sur le plateau continental.
Il précise que, comme le Canada et le Danemark, la Russie revendique des droits sur le plateau du pôle Nord, prolongement naturel de son plateau continental.
Le diplomate russe, indique que le redéploiement des forces russes en Arctique, réduites après la chute de l’URS, satisfait à des objectifs de défense. Il précise que ces forces, outre de sécuriser la navigation sur la route du Nord Est, procèdent au nettoyage écologique des déchets abandonnés par les militaires soviétiques.
A l’issu d’un échange avec la salle, les questions ayant permis de préciser certains points techniques évoqués par les intervenants, le président remercie chaleureusement les participants.
(l'arctique et les stratégies navales des puissances)
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