David LACOMBLED est intervenu à l'occasion de la réunion de la Commission Media du 3 mars 2016.
EXTRAITS :
"La révolution numérique nous plonge dans une période de destruction créatrice, qui suscite la fascination comme la peur. Ce n’est pas un hasard si l’on constate aujourd’hui une tentation de repli patriotique : 69% des Français se disent choqués de voir les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) ne pas payer d'impôts en France (sondage Viavoice) et 85% d'entre eux se disent favorables à l'instauration d'un label différenciant pour les entreprises nationales.
Mais l’inquiétude ne doit pas gagner, et je suis convaincu que l’Europe, et particulièrement la France, ont de très belles cartes à jouer dans l’aventure numérique: la bataille n’est pas perdue, elle vient seulement de commencer, et nos atouts sont forts.
Aujourd’hui, les deux vrais continents numériques sont les Etats-Unis et l’Asie. Le numérique américain, symbolisé par les GAFA, fonctionne sur le principe d’une démocratie libérale dérégulée, tandis que le numérique asiatique fonctionne sur un modèle d’un autoritarisme éclairé.
Face à ces deux ensembles, l’Europe s’empêtre dans sa logique réglementaire. C’est cette situation qu’il faut faire évoluer. Et nous avons tous les talents pour relever le défi.
La « FrenchTouch » et la « FrenchTech » ne sont pas des mythes, et si tous les Comités exécutifs des sociétés d’édition et de diffusion de jeux comptent au moins un Français, ce n’est pas un hasard. La formation supérieure en France est excellente, et particulièrement celle des ingénieurs. Nous avons aussi le savoir faire industriel, et nous sommes à la pointe des nanotechnologies, et biotechnologies. Et nous avons des marques fabuleuses, qui font preuve d’audaces dans le domaine du numérique, comme Norauto ou Leroy-Merlin… des entreprises qui tâtonnent, essaient, font et défont sans cesse pour avancer. Enfin, n’oublions pas que nous avons notre langue, le français, qui d’ici 2030… sera plus parlé que l’espagnol.
Alors oui, je suis confiant. Charge maintenant à l’Europe d’être conquérante, de miser sur nos qualités et de faire le choix de devenir le grenier numérique du monde et non pas le suiveur.
La révolution numérique est en fait constituée de trois révolutions.
Une révolution du temps, où la dictature de l’instant et du buzz (analysée par Gilles Finchelstein dans La dictature de l’urgence) côtoie paradoxalement l’allongement de l’espérance de vie.
Une révolution de la perception de notre quotidien. Les écrans nous envahissent de plus en plus, et nous développons une forme d’exigence par rapport à eux: nous en attendons toujours plus de services et performance. La conception de la vie s’en trouve modifiée, jusqu’à notre aménagement du territoire.
Et enfin, une révolution de la dématérialisation/rematerialisation. Regardons le succès des entreprises comme Deezer ou Autolib: ce n’est plus tant l’objet qui importe, que le droit d’accès à cet objet. L’avènement de l’imprimante 3D annonce encore de grands bouleversements dans les logiques d’entreprises, que des sociétés comme Lego ou Airbus anticipent déjà. Le sujet de la dématérialisation demande la fondation d’un nouveau modèle, plus ouvert que ceux existants: il faudrait par exemple pourvoir passer d’Apple à Samsung en gardant l’accès à toutes ses données, ce qui impossible aujourd’hui. Je me bats pour l’instauration de normes de distribution qui puissent garantir l’inter-opérabilité, pour que nous certains d’avoir toujours accès à mes données. Il faut créer un modèle de transmission: il n’y a pas de raison d’avoir un moins bon service en numérique que pour un objet traditionnel. Le monde numérique n’est pas opposé au monde traditionnel, le monde numérique doit faire partie du monde réel.
Le grand chantier du numérique est donc à ses débuts, et l’Europe et la France ont leur rôle à jouer. Les entreprises doivent avoir les marges de manoeuvre suffisantes pour organiser et faire vivre cette révolution, il y a encore beaucoup de choses à inventer et à créer. "
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