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LA CRISE UKRAINIENNE, POINT DE SITUATION ET PERSPECTIVES.

Conférence-débat organisée en partenariat avec l'Association Minerve.

Intervenants:


- Pierre MOREL, ancien Ambassadeur, coordinateur de l'OSCE pour le dialogue politique ukrainien,


Ioula SHUKAN, Professeur des Universités


- Robert HAZEMAN, Chef d’escadron, attaché militaire adjoint à Kiev jusqu'à l'été 2015,


- Jacques FAURE, ancien ambassadeur de France en Ukraine de 2008 à 2011


Modérateur: 


Jean de PONTON d'AMÉCOURT, Président du Forum du Futur


Alors que la Russie semble rétablir sa position sur la scène internationale en contribuant à la relance d'un processus de règlement politique en Syrie, le moment a semblé opportun pour le Forum du Futur de faire le point sur la situation ukrainienne.


EXTRAITS DE LA CONFÉRENCE


Ioulia SHUKAN


« Un an après la formation de la coalition pro-ukrainienne, le bilan semble mitigé: on peut certes constater des avancées, mais aussi de nombreuses fissures.


En effet, les nombreux rapports de force à la Rada suprême rendent fragiles les chances de survie de la coalition. Les radicaux ont claqué la porte, le discours très social de Ioulia Tymochenko créée des conflits, et le Front populaire est perçu comme un véritable frein, de par sa faible popularité et ses menaces de quitter la coalition.


Or l’échec de cette dernière poserait de réels problèmes. Face à cette coalition, les deux grandes forces d’opposition sont représentées par un mouvement patriotique et radical et par un mouvement issu de l’ancien Parti de Régions. »« La majorité des Ukrainiens juge durement le travail de coalition car la rupture tant espérée ne semble pas venir. Il y a un fort décalage entre les attentes de la population et l’état des réformes: une récente enquête montrait que 48,4% des sondés estimaient que rien n’avait été fait en terme de réformes et que 30% d’entre eux n’avaient plus d’espoir.


La perception des réformes engagées, qui demandent du temps pour porter leur fruits comme les réformes anti-corruption, est donc mise à mal par le sentiment d’urgence que ressent la population qui attend des changements rapides. Par ailleurs, ces chiffres sont révélateurs du problème de communication sur les succès obtenus et les avancées réalisées. Or cette communication est essentielle, la désillusion et la déception de la population seraient un grand danger pour l’Ukraine. »


Robert HAZEMAN


« Depuis la prise de Debaltsevo, ville-carrefour stratégique, par les séparatistes en février 2015, nous n’observons plus d’actions militaires d’envergure. Persistent en revanche des échanges de tirs, sporadiques et ponctuels. Depuis septembre 2015, on peut parler d’une véritable baisse des violations du cessez-le-feu, sans doute liée au processus des négociations de Minsk. »


« L’Ukraine doit faire face à de nombreuses difficultés liées à l’état de ses forces armées. La première est d’assurer la nécessaire réorganisation en profondeur de l’outil militaire (les politiques l’ayant laissé sans réformes depuis de trop nombreuses années), tout en assurant en même temps le cours de opérations. La seconde difficulté est liée au challenge d’intégrer des bataillons de volontaires. Enfin, troisième difficulté: les mobilisés de 2014/15 sont aujourd’hui démobilisés, et il faut suivre leur réintégration à la vie civile, qui pose de nombreux problèmes, qui n’ont pas été anticipés.


Face à cette force militaire ukrainienne, les séparatistes se montrent assez dissuasifs, représentant environ 30 000 hommes et se dotant d’une organisation efficace. »

« Une escalade d’envergure des actions militaires semble fortement improbable, les deux forces s’annulant par leur poids respectif. Nous nous orientons plutôt vers une augmentation des violations locales du cessez-le-feu, c’est le scénario qui semble le plus probable à court et moyen terme.


Les risques essentiels sont liés à la désillusion ressentie par la population, qui a l’impression s’être fait voler sa révolution, et au retrait en demi teinte des armement lourds (leur retrait à 100/150km permet un redéploiement rapide, en une demi journée).



Pierre MOREL


« Nous sommes aujourd’hui au coeur des négociations pour résoudre le conflit. Je tiens tout d’abord à rappeler les faits qui ont conduits à l’ouverture de ces négociations.


L’accord qui a mis fin à la tragédie de Maïdan, signé le 21 février 2014 à Kiev par l'opposition et le Président, devait pouvoir relancer le dialogue politique. Mais dès le 22 février, les événements se sont accélérés : Ianoukovitch a fui Kiev, un nouveau pouvoir s’est mis en place et une élection présidentielle a été annoncée pour le printemps.


Le11 mai, un referendum sur l’indépendance des républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk, est vécu comme une provocation: les séparatistes annoncent la victoire du "oui" par 89% dans la "république populaire de Donetsk" et 96% dans la "république populaire de Louhansk". Dès lors, la logique de confrontation qui domine entre le pouvoir ukrainien et ces zones d’autonomies spontanées.


En juin, François Hollande, Angela Merkel, Vladimir Poutine et le nouveau Président Petro Porochenko, se rencontrent en marge des cérémonies du 70e anniversaire du débarquement de Normandie. C’est ce premier entretien dans le "format Normandie" qui a amorcé le dialogue entre Kiev et Moscou.


Le Protocole de Minsk, signé le 5 septembre entre les représentants de l'Ukraine, de la Russie et des séparatistes, grâce au travail de l’OSCE, appelle à un cessez-le-feu immédiat, mais il s’effrite après l’élection des présidents auto-proclamés des deux républiques et le cessez-le-feu se détériore aussitôt.


Alors la France et l’Allemagne s’acharnent à relancer l’initiative de Normandie, et le 12 février, à Minsk, Vladimir Poutine, Petro Porochenko, François Hollande et Angela Merkel signent une déclaration commune réaffirmant la souveraineté de l'Ukraine et la mise en oeuvre du protocole de Minsk du 5 septembre 2014. »


Quatre groupes de travail travaillent au processus de négociations. Le premier, qui traite de la sécurité, se réunit souvent et travaille au respect du cessez-le-feu. Le second traite des enjeux humanitaires, les besoins sont énormes. Le troisième se consacre aux sujets économiques et travaille notamment à régler le problème du charbon -qui vient du Donbass-, et de la destruction des installations hydrauliques. Enfin, le quatrième groupe, dont j’ai la charge, s’investit sur tous les sujets politiques et sur la mise en place du dispositif d’accord.


Les négociations sont en cours depuis 7 mois. Les premiers temps ont été longs et douloureux, les positions de principes des différents acteurs étant catégoriques. Puis quelques ouvertures ont pu être identifiées, ce qui a permis d’entrer dans le travail politique. Nous élaborons des textes d’accord, l’objectif est encore loin mais nous progressons. Ces fils ennemis doivent apprendre travailler ensemble, il n’y a pas d’autre voie de sortie. Dès lors, avec le soutien d’experts internationaux, il faut qu’ils envisagent toutes les procédures, réformes et lois à adopter.


Ce qu’il est important d’observer aussi, est le lien direct entre le respect d’un cessez-le-feu et la réalité des avancées politiques. Pendant longtemps le cessez-le-feu n’a pas été respecté, on dénombrait plus de 20 morts par semaine! Puis il y a eu ce sursaut, le 1er septembre: l’idée de faire de cette journée, qui est la rentrée des classes et la fête de l’Education, le début d’un vrai cessez-le-feu sous le slogan « On ne tire pas sur les enfants ». Depuis, on note une réelle baisse des violations du cessez-le-feu. Et parallèlement... les négocations avancent."


Jacques FAURE


« La coalition de la nouvelle Rada, élue en octobre 2014, et le Président Petro Porochenko se sont retrouvés devant un énorme chantier. La liste des actions à mener était considérable: il fallait fonder un nouveau système de défense et une nouvelle doctrine militaire, réformer la police, les forces armées, la justice et l’administration publique, lutter contre la corruption, mettre en oeuvre la décentralisation, redresser l’économie et les finances, diminuer la dépendance énergétique par rapport à la Russie, s’occuper des questions sociales, remettre en état les média, et revoir le système d’éducation.


Face à cet énorme chantier, les obstacles n'ont pas manqué. Que ce soit le poids de la bureaucratie héritée de l’URSS, les luttes d’influence autour du pouvoir, la frustration populaire grandissante, le regain d’influence de certains oligarques, le conflit du Donbass ou le respect tout relatif du cessez-le-feu.


Au milieu de ces difficultés, l’engagement de l’Europe, de l’OTAN, de l’UE et le soutien des Américains font figure de nécessaires et solides éléments d’espoir. »

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