Compte-rendu de la conférence-débat, organisée en partenariat avec l'Association Minerve.
Conférence du 22 juin 2017, Ecole Militaire, Paris
Le 24 septembre prochain, les électeurs allemands choisiront leurs représentants au Bundestag. Ils devraient, vraisemblablement, confirmer la majorité actuelle formée par la CDU-CSU et donner ainsi un quatrième mandat à Angela Merkel. Mais qu’en est-il des aspirations politiques des Allemands tant en interne qu’en matière de politique étrangère notamment après l’échec de la réunion du G7 à Taormina et l’apparition de tensions entre Washington et Berlin? La Chancelière répondra-t-elle aux aspirations du nouveau président français de faire repartir la construction européenne grâce notamment à une nouvelle dynamique du couple franco-allemand ?
Avec
Hans STARK, professeur des Universités, Université Paris-Sorbonne ; Secrétaire général du Comité d’étude des relations franco-allemandes (Ifri)
Xavier PACREAU, maître de conférences de la Faculté libre de droit, Président de la Commission du prix Vauban, Chercheur associé au Centre Thucydide de l'Université Panthéon-Assas.
EXTRAITS
Hans STARK
« Tandis que la Grande-Bretagne reste secouée par le Brexit et que la France amorce une période de renouvellement enclenchée par les élections présidentielles et législatives, l’Allemagne s’illustre par la grande stabilité de sa politique intérieure. Il ne fait pas de doute qu’Angela Merkel sera réélue en septembre prochain, cela est quasi certain. Angela Merkel entamera alors son quatrième mandat, toujours soutenue par l’opinion publique allemande.
En septembre, les élections aboutiront surement à une nouvelle constellation de 6 partis, qui ne sera pas évidente à orchestrer. Un récent sondage indique que les Allemands soutiennent à 40% la CDU (contre 41% en 2013 : angela Merkel n’aurait perdu qu’un point !), à 24% le SPD, à 7% les Verts, à 10 ,5% les libéraux du FTP, à 8,5% l’extrême gauche et à 6,5% la droite populiste. Il faudra alors imaginer une nouvelle coalition, qui intègrera probablement les libéraux, voire les Verts (qui sont plus centristes que les Verts français).
Comment expliquer la longévité exceptionnelle d’Angela Merkel ?
- Sa côte de popularité est sans conteste l’un des facteurs clé. Un récent sondage montre que face à Martin Schulz, Angela Merkel l’emporte sur tous les critères : la crédibilité (44% contre 34%), la sympathie (35% contre 31%) et le savoir-faire (46% contre 31%).
- Le second facteur est la situation économique du pays. Si 2009 a été marquée par une baisse de la croissance liée à la crise, celle-ci est repartie dès 2010 (+4%) pour continuer, jusque ces dernières années : 2014 (+1,6%), 2015 (+1,7%) et 2016 (+1,9%). Sur le plan de l’emploi, l’Allemagne compte aujourd’hui 2,65 millions de chômeurs, soit deux fois mois qu’il y a 10 ans, avec un faible chômage des jeunes (4,8%) et parfois du plein emploi dans certaines régions comme en Bavière. Certes, ¼ des employés reste en situation précaire, ce qui nuance le constat.
- Enfin, au niveau international, Angela Merkel apparait comme une figure rassurante. L’effet Brexit et Trump joue en sa faveur… les Allemands ne veulent pas d’aventures. Militairement, l’Allemagne s’engage, notamment au Mali, et le pays s’avance vers plus d’engagements et de responsabilités au niveau international. »
Xavier PACREAU
« Le Président Emmanuel Macron souhaite faire de la relation franco-allemande un axe de sa politique extérieure. Pour lui, cette coopération doit s’étendre aux champs de l’éducation, de la sécurité et de la défense. L’ambition est de redynamiser le moteur franco-allemand, qu’il soit bénéfique pour les deux pays et permette la refondation de l ‘Europe. On ne pourra donc pas se contenter de simples ajustements mécaniques : il faudra ouvrir les perspectives et faire émerger des projets.
Depuis de longues années, l’Europe semble avoir délaissé le sens pour le fonctionnement. Depuis la chute du communisme, elle n’a plus de réel projet, laissant se diffuser le sentiment d’une Europe qui se laisse surprendre par diverses crises (économique, migratoire…).
L’Europe doit réapprendre à se concentrer sur ses desseins, car il y a urgence à considérer le couple franco-allemand et le projet européen comme forces pour résister à une toute éventuelle crise. Si l’Europe n’incarne pas cet espoir, le projet européen apparaître comme une entrave et sera donc considérablement fragilisé.
Trois raisons permettent de croire que ce projet de rénovation autour du moteur franco-allemand peut aboutir :
• Le Brexit va renforcer le poids du couple franco-allemand qui va tenir une place plus significative dans le destin de l’Europe, d’autant plus l’Allemagne ne souhaite pas assurer seule le leadership. Faut-il encore que la France parviennent à se redresser.
• Le couple franco-allemand devra adopter une prudence dans sa posture : il ne doit pas apparaître comme un « directorat ». Ainsi, le Brexit pourrait être salutaire… ou être le premier signe de la fin d’une aventure collective…
• L’arrivée de Trump a enclenché une rupture de la politique américaine à l’égard de l’Europe -et surtout de l’Allemagne-. Le président a formulé de vives critiques sur la politique allemande quant à la gestion de la crise des migrants en particulier. Une des conséquences de cette éloignement américain pourrait donc être le resserrement du couple franco-allemand.
• L’instabilité de l’environnement géostratégique international (terrorisme et conflits au Moyen-Orient, dans la bande saoudienne) pourrait déstabiliser nos démocraties. L’enjeu d’une protection et d’une défense fortes est donc plus que jamais d’actualité.
Ces facteurs invitent à penser la coopération franco-allemande comme l’incarnation d’un espoir.
Aujourd’hui, le discours franco-allemand insiste sur l'importance de redonner du sens, de refonder l'Europe. La défense est un thème majeur, le livre blanc de la défense allemande plaidant d’ailleurs pour davantage d'engagement. Peut-être s’achemine-t-on vers une alliance de défense européenne ? Le chemin serait long… mais réaliste.
Le couple franco-allemand entend aussi favoriser les coopérations structurées sur le terrain. Les rencontres interministérielles des deux ministres de l'économie ont ouvert cette voie. La volonté est maintenant de coopérer sur d’autres domaines comme l’immigration et l’environnement. »
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